Que peuvent nous enseigner les oiseaux sur la vie les frontières ?

Arnauld Ohl , France

15 janvier 2021

Hedge landscape in Normandy, France, around 1940. Photographie : W Wolny, public domain.

Les hommes découpent le paysage en délimitant des parcelles.

Souvent, les parcelles sont entourées de haies qui les séparent les unes des autres.

Et des oiseaux s’installent dans ces haies. Elles deviennent leur habitat et leur garde-manger.

À leur tour, les oiseaux recréent des frontières au sein même de ces haies, engendrant un territoire physique.

Ce sont des frontières mouvantes, selon les saisons. La période de reproduction amplifie l’intensité de la défense de ces limites.

Quand cette séquence vitale s’achève, les frontières s’effacent.

Comme un besoin fondamental chez l’homme, inventer la propriété et ses règles.

La frontière pâtit d’une mauvaise image, une image étroite dans l’esprit humain.

Des humains tentent de vivre en oiseau.

Habiter en oiseau est un livre de la philosophe Vinciane Despret. Elle y étudie le fonctionnement de cette frontière chez les oiseaux.

Cela donne le sentiment d’un « art de vivre » sa frontière comme un lieu d’intenses échanges où l’on se mesure à soi-même et à l’autre.

Chaque espèce défend ses limites selon ses codes et ses nécessités, mais tout peut changer d’une saison à l’autre (sécheresse, tempêtes, famine).

Ces événements influent sur la plasticité de la frontière et des comportements.

Quelle perplexité chez les ornithologues !

Des humains tentent de vivre en oiseau.

Tant de simulacres et d’acrobaties, et pas moyen de poser des règles définitivement applicables face à ces comportements ?

Les hommes ont leur propre mode de partage du territoire, et du passage de frontières.

L’influence des oiseaux, si nous y prêtons attention, nous aiderait à regarder autrement nos propres interactions à la frontière.

Nos contorsions mentales refléteraient peut-être l’élégance des oiseaux…

Arnauld Ohl est un enfant du bocage, l’enfant d’un paysage qui a disparu. Mêlant dans sa pratique le métal et le bois, il s’intéresse à l’agroforesterie, de façon technique et artistique. Ici, sa réflexion, accompagnée par la lecture de l’ouvrage de Vinciane Despret, Habiter en oiseau (Actes Sud, 2019), propose de dépasser le clivage entre défenseurs et critiques de l’existence de frontières pour ouvrir une troisième voie: comment vivre en oiseau sur les frontières elles-mêmes, ces lieux d’échanges intenses et de négociations avec l’environnement.