Là où la mer s’est noyée

Long de 9 mètres et large de plus de 3 mètres, Boat est constitué de centaines de paquets de cartons d’emballage ficelés et empilés les uns sur les autres jusqu’à une cinquantaine de centimètres de hauteur. Dans une faible lumière, fantomatique, on peut apercevoir des dizaines de signalétiques mercantiles arrachées à des emballages ici et là à travers le monde – UP, DOWN, Ne pas pencher, FRAGILE, À manier avec précaution etc. – et aussi des logos. Tout cet arsenal dit ici la ruine, tandis que celui-ci est dévoué à protéger la Sainte Marchandise, à sanctuariser ses déplacements, ses stockages.

Le dispositif d’éclairage, une dizaine d’ampoules, renvoie à un entrelacement de cordages, résistant mais fragile comme le sont ces points de lumière qu’il porte et que l’on croit provenir de bougies. Car il s’agit là d’une nécropole, celle des voyages fragiles, des embarcations de fortune fuyant les guerres, les régimes mortifères, les discriminations, ou aspirant à une vie meilleure, à une vie digne.

Celles et ceux qui prennent place sur Boat, en Méditerranée par exemple, traversent les frontières mais s’y échouent bien souvent car elles leur sont tranchantes. La relation que l’on a avec la frontière détermine qui on est, de quel côté du manche on se tient. La leur est du côté du tranchant de l’épée.